
L’humanité célèbre ce 27 octobre la Journée mondiale du patrimoine audiovisuel, une initiative de l’UNESCO pour valoriser et protéger les archives audiovisuelles qui constituent une fenêtre ouverte sur le monde.
C’est depuis 2005 que cette journée a été officiellement instituée en guise de commémoration de l’adoption par l’UNESCO en 1980, de la « Recommandation pour la sauvegarde et la préservation des images en mouvement ». Dans ce contexte, la thématique retenue pour cette édition « Votre fenêtre sur le monde » rappelle que les documents audios et vidéos ne sont pas de simples archives, ils sont des témoins actifs de nos sociétés, de nos cultures, de nos conflits et de nos espoirs.
Pour l’UNESCO, cette journée poursuit plusieurs objectifs : sensibiliser aux risques qui pèsent sur le patrimoine audiovisuel, promouvoir l’accès aux archives, attirer l’attention des médias sur ces enjeux et donner une visibilité accrue à ce que représente ce patrimoine pour l’identité collective, en particulier dans les pays en développement.
Sur le continent africain, les médias audiovisuels ont connu une croissance significative au cours des deux dernières décennies : développement des chaînes numériques, explosion des réseaux sociaux, montée des podcasts et des plateformes locales.
L’audiovisuel est devenu un vecteur essentiel de diffusion culturelle, d’éducation, de débat citoyen.
Toutefois, cette progression va de pair avec des défis majeurs : infrastructures limitées (électricité, internet), manque de fonds pour la conservation des archives audiovisuelles, faiblesse des compétences locales en archivage et enjeux de pluralisme et de liberté d’expression.
Dans cette perspective, la journée mondiale du patrimoine audiovisuel revêt une importance accrue en Afrique centrale et de l’Ouest : elle invite à considérer que l’audiovisuel n’est pas seulement un moyen de diffusion immédiate, mais un héritage à préserver.
Il s’agit de valoriser les programmes locaux, de structurer les archives nationales, de former des techniciens et des gestionnaires compétents et de renforcer les infrastructures de stockage numérique.
Ce sont autant d’éléments décisifs pour que l’audiovisuel contribue à la fois à la mémoire collective et à l’avenir de l’éducation, de la culture, de l’engagement citoyen.
En République démocratique du Congo (RDC), l’audiovisuel est aujourd’hui au cœur d’une dynamique que l’on pourrait qualifier de transition : d’un service public traditionnel vers un paysage plus diversifié, plus formateur, plus connecté.
Le Ministère de la Communication et des Médias, dirigé par le Ministre Patrick Muyaya Katembwe, a lancé des réformes visant à moderniser la chaîne nationale (RTNC), à clarifier les redevances audiovisuelles et à repenser la gouvernance des médias audiovisuels.
Ainsi, un nouveau décret interministériel relatif aux tarifs et procédures de collecte de la redevance audiovisuelle a été transmis au ministère des Finances.
Cette mesure traduit la volonté de dégager des ressources pérennes pour le financement de la chaîne nationale publique Radiotélévision Nationale Congolaise (RTNC), tout en posant les jalons d’une régulation plus claire.
L’audiovisuel trouve aussi une place importante dans l’éducation de base : tant à l’enseignement primaire qu’au secondaire, des programmes télévisés et radio diffusés en direct ou en rediffusion viennent renforcer l’apprentissage en zone urbaine comme en zone rurale.
Le rôle de la Radio et Télévision thématique de l’Éducation « RTEDUC » est plus que jamais central. La RTEDUC permet de donner à voir et à entendre l’histoire, la culture, la langue, dans une optique de renforcement identitaire.
Sur le plan de la formation, l’Académie des Beaux‑Arts (ABA) à Kinshasa est un pilier pour la montée en compétences des professionnels de la communication et de l’audiovisuel. Elle forme des graphistes, vidéographes, designers, spécialistes 3D, autant de métiers essentiels à l’audiovisuel moderne. De même, l’institution historique de formation des journalistes, l’Institut Facultaire des Sciences de l’Information et de la Communication (IFASIC), qui a depuis changé de nom pour devenir l’Université des Sciences de l’Information et de la Communication (UNISIC) selon certaines sources, reste une référence pour la formation de rédacteurs, reporters et cadres médias.
Par ailleurs, grâce à la liberté accrue et la diversification des acteurs, de nouvelles chaînes de télévision par la TNT (Télévision Numérique Terrestre) ont vu le jour offrant des contenus éducatifs, culturels et destinés à la jeunesse.
Ces développements représentent une opportunité mais aussi un défi : comment garantir la qualité, la conformité aux normes, la sauvegarde des contenus produits ?
La journée mondiale du patrimoine audiovisuel souligne que chaque émission, chaque reportage, chaque archive mérite d’être préservée, non comme simple diffusion immédiate, mais comme mémoire pour demain.
Le Ministère de la Culture et des Arts en République Démocratique du Congo s’est mobilisé à travers de nombreux ateliers et sessions de formation en audiovisuel à destination des techniciens, des journalistes, des producteurs de contenus. L’objectif est double : d’une part, renforcer les compétences locales et d’autre part sensibiliser aux enjeux de conservation, de diffusion responsable, d’éthique.
Les médias internationaux jouent également un rôle essentiel dans ce maillage.
Ils contribuent à informer le public, tout en assumant la responsabilité de vérifier l’information, de contextualiser et d’éviter les récits simplistes.
Dans ce cadre, la ministre de l’Éducation nationale et Nouvelle citoyenneté, Raïssa Malu, a souligné que « l’éducation est un droit fondamental et un moyen essentiel de protection des enfants vulnérables… investir dans l’éducation, c’est investir dans la stabilité, le développement durable et la paix ». Si elle ne s’exprimait pas uniquement sur l’audiovisuel, son propos éclaire la fonction stratégique de ce média dans la transmission des savoirs et la formation citoyenne.
En filigrane, l’audiovisuel se pose comme un levier de démocratisation de l’éducation.
Le chef de l’État lui-même a évoqué à plusieurs reprises la nécessité de « réduire la fracture numérique, d’élargir l’accès aux médias et de faire de l’audiovisuel un outil de cohésion nationale ».
Il convient enfin de rappeler que dans certaines zones de conflit, notamment dans l’Est de la RDC, les journalistes, producteurs et membres de l’audiovisuel travaillent dans des conditions parfois extrêmement difficiles. Coupures d’internet, menaces, accréditations retirées, telles que l’affaire de la suspension de la chaîne Al Jazeera en 2025 évoquée dans les rapports sur la RDC.
Ces professionnels sont les gardiens d’une mémoire visuelle et sonore qui recèle non seulement des récits de guerre mais aussi des rêves de paix, des histoires de résilience.
La journée mondiale du patrimoine audiovisuel les invite à être reconnus, protégés et à bénéficier de la formation et des infrastructures qui garantissent que leurs productions ne soient pas perdues, que leur travail ne s’efface pas.
En marge de cette journée, voici quelques recommandations pratiques :
- Vérifiez toujours les sources : assurez-vous que les documents audiovisuels proviennent d’organismes reconnus ou de médias crédibles.
- Sauvegardez les contenus : si vous êtes auteur, technicien ou producteur, envisagez l’archivage numérique, les métadonnées, les supports redondants.
- Favorisez le contexte : un document audiovisuel vaut mieux s’il est accompagné d’un repère (date, lieu, auteur, contexte).
Participez : organisez ou assistez à des projections, des ateliers, des débats à l’occasion de cette journée. Sensibiliser autour de vous : expliquez que l’audiovisuel n’est pas éphémère mais constitue une mémoire collective à préserver.
Comme l’affirme l’UNESCO : « Les documents audiovisuels sont une fenêtre sur le monde : ils nous permettent d’observer des événements auxquels nous n’avons pas assisté, d’entendre des voix que plus personne ne peut faire taire… »
En cette journée du patrimoine audiovisuel, faisons de chaque image, de chaque son, de chaque archive un acte de mémoire, mais aussi un engagement pour l’avenir.
L’audiovisuel est plus que jamais un pilier de la culture, de l’éducation, de la citoyenneté. Il est à la fois le miroir d’un pays, d’une région et la trace de nos engagements pour demain.
Par Ben AMSINI